Le fantôme de la liberté

Luis Buñuel




1974, fiche technique


En matière d'anticléricalisme comme de surréalisme, Buñuel est un maître. Le fantôme de la liberté rassemble les deux qualités avec excellence. En plus de captiver le spectateur par une surprise sans cesse entretenue, le film est aussi une accumulation délicieuse de blasphèmes où l'Eglise, ses ministres, ses temples et ses croyances sont moqués avec le plus grand irrespect.

Le film s'ouvre sur la guerre menée par l'armée napoléonienne en Espagne (cf. le célèbre tableau de Goya Tres de mayo) et le premier blasphème ne tarde pas à apparaître : le chef des soudards français se goinfre d'hosties, ayant établi son campement dans une église... L'action, si ce terme bien mal adapté à l'œuvre de Buñuel peut être employé, se poursuit à Paris, dans un jardin public. Un homme attire à lui des fillettes et leur confie des images licencieuses. Horreur ! il s'agit de photographies de monuments de Paris dont la pire est une carte postale du Sacré Cœur, promptement déchirée par des parents soucieux de la bonne moralité de leur enfant. Plus tard, ce sont des moines qui jouent aux cartes avec une jeune femme, vêtue d'un robe de chambre légère. Les religieux boivent, fument et jouent des scapulaires en guise de mise. L'un ne s'interdit pas un petit jeu de séduction, infructueux car le procédé aurait été trop stéréotypé pour le réalisateur. Cependant, la discussion n'évite pas les thèmes religieux : sainte Thérèse de Lisieux pourrait être déchue de la sainteté en raison de l'état de démence de ses parents lors de sa conception ! Enfin, le film s'achève sur une charge de CRS contre des manifestants, qui en reprend l'ouverture. Les clameurs et les cris produit par l'assaut sont alors accompagnés harmonieusement par des cloches d'église...

L'anticléricalisme n'est toutefois qu'une des composantes de ce film très riche et on retiendra, entre autres séquences, la scène jubilatoire du repas d'amis où les convives sont assis sur des WC et les utilisent dans leur fonction naturelle. Dans ce renversement de situation, l'acte de manger devient indécent et impose qu'on y sacrifie ailleurs, en un lieu clos à l'abri des regards.


25 août 2005


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