Le colonialisme juif en Israël-Palestine

 

 

Sans prosélytisme expansionniste, pas de religion. Les trois monothéismes s'accordent sur ce point fondateur de leurs doctrines. Si le christianisme et l'islam ont recouru à la force de leurs armées pour imposer leurs mythes aux infidèles de tous pays, le judaïsme innove depuis quelques décennies en promouvant une colonisation de la Palestine par la construction de logements formant peu à peu de véritables villes.

Obéissant à la réalisation du Grand Israël, la création puis l'extension des colonies dans les territoires occupés introduit, au-delà des limites tracées en 1967, une présence juive dans les terres normalement réservées aux palestiniens, ou plus exactement dans les territoires où se réfugièrent les habitants de la région suite à la création de l'État d'Israël en 1948. On compte ainsi 200 colonies, toutes illégales, dont 145 sont recensées officiellement. La méthode est elle-même très astucieuse en prônant la conquête de la Cisjordanie et de Gaza par l'établissement de colonies plutôt qu'une opération militaire de grande envergure qui, plus visible, entraînerait une désapprobation de la communauté internationale. Les religieux sionistes peuvent donc se livrer à leur sport favori, chasser le musulman de leurs terres sacrées. Avec en tête de la lutte le rabbin Ovadia Yossef dont les propos ouvertement anti arabes sont toujours accueillis très favorablement chez les colons.

Porter le judaïsme jusque sur les rives du Jourdain n'est pas seulement le rêve morbide de quelques fanatiques de la Thora et du Talmud mais reçoit aussi le soutien du gouvernement israélien par des mesures moins transcendantes. Les candidats à l'aventure au-delà de la ligne verte bénéficient en effet de réductions d'impôt et de logements à des prix très avantageux. Les prêts garantis par les banques ajoutent à l'attractivité de cette union de l'argent et de la religion. Barak aussi bien que Sharon ont conféré au développement des colonies une impulsion qui enlevait toute valeur à leurs propos de façade sur la pacification de la région. A maintes reprises les dirigeants israéliens ont exalté le caractère pionnier et sacralisé le messianisme des colons à établir la présence juive à l'extérieur des frontières de 1967.

L'impasse de la situation actuelle est résumée en quelques nombres: 200000 colons vivent en Cisjordanie et à Gaza à côté, et séparés, de 3 millions d'arabes dont un tiers vit sous le seuil de pauvreté. Aux données quantitatives s'ajoutent les discriminations quotidiennes vécues dans les territoires occupés: les juifs des enclaves obéissent au droit israélien alors que les palestiniens sont soumis à un statut de sous-citoyens. Les habitations juives ne peuvent subsister que grâce à la protection absolue de l'armée et des situations aussi instables que disproportionnées apparaissent: environ 350 colons s'agrippent à la ville d'Hébron ce qui requiert la présence de 700 soldats pour assurer leur protection.

Mais la conquête du territoire ne saurait être complète si elle se limitait au reflux des mécréants hors de la "Terre promise". Il convient aussi de veiller à empêcher leur retour autant à des fins d'installation de leur domicile que simplement pour travailler durant la journée et l'État israélien s'y emploie avec efficacité par l'interdiction de traverser la frontière pour venir trimer sur son sol. De plus, l'armée accompagne l'irresponsabilité du pouvoir politique par la destruction massive d'infrastructures dont certaines ont été payées par l'Union Européenne. Le montant de l'aide européenne ainsi volatilisée est estimé à 10 millions d'euros. Sans oublier la destruction de terrains agricoles par les machines de l'armée. La terre brûlée comme seule politique de Sharon.

Les religieux israéliens sont englués dans un drame qu'ils ont eux-mêmes généré par leur obstination aveugle à imposer un État confessionnel dans une région multireligieuse. Le projet du Grand Israël rejoint celui de l'Europe chrétienne de l'Atlantique à Jérusalem, de la Grande Inde des fanatiques hindous ou encore de la Oumma des musulmans au rayon des impérialismes religieux toujours facteurs d'oppression et de privation des libertés. Jérusalem est morcelée, écartelée, par des religions assoiffées de possessions territoriales discréditant leur pseudo-discours de paix et de justice. A l'obsession juive de la terre promise aux élus, conception raciste par définition, répond l'écho mortifère d'un islam récupérateur du lieu dit "saint". La mystique musulmane attribue à Jérusalem le rang de troisième lieu sacré de l'islam après Médine et La Mecque. Pourtant, dans aucune sourate du Coran n'est mentionnée la ville de Jérusalem. Il ne s'agit là que d'une imposture classique opérée par toute religion à la seule fin de récupérer un lieu considéré sacré par la concurrence précédemment installée avec en considération les perspectives de pouvoir politique et économique associées. Le Hamas, le Jihad Islamique et le Hezbollah ont su exploiter les mensonges de la tradition musulmane pour transformer la légitime revendication d'un peuple au droit au retour sur sa terre en une guerre sainte à la gloire d'un dieu dont la puissance se mesure à l'abondance des crimes commis. L'activisme sanglant de ces trois organisations est le meilleur allié des juifs ultra-orthodoxes qui réclament un cloisonnement strict rejetant les arabes hors d'Israël.

Les efforts désespérés et infructueux observés ces dernières années pour parvenir à un découpage qui satisferait tous les protagonistes interdisent de persister à croire qu'une solution puisse être trouvée dans la juxtaposition d'un État juif et d'un État palestinien. Le démantèlement des colonies en serait une étape obligée mais non seulement cette volonté n'existe pas mais, de plus, le gouvernement israélien encourage à la poursuite du processus d'expansion donc d'expropriation. Si deux États voisins, et imbriqués, ne sont ni réalisables ni viables sans animosité guerrière, la seule solution alternative demeure un état bi-national où israéliens et arabes, juifs et musulmans, chrétiens, incroyants ou autre, partageraient le même gouvernement et les mêmes droits. Des voix existent d'un côté comme de l'autre pour souhaiter cette juste cohabitation dans un État unique délivré du fanatisme de la possession d'une terre dont trop de sang "impur" a abreuvé les sillons stériles depuis le début de la deuxième Intifada.



21 février 2002


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