Epidémie d'apparitions de croix chrétiennes dans le ciel chinois au 18e siècle




Le catholicisme est une religion de paix et d'amour, tout le monde sait cela. Et comme tout le monde le sait, nul ne songerait à en demander, et encore moins à en apporter, les preuves. Débarrassé de cette exigence, le catholicisme a alors choisi de montrer sa grâce, non en répandant une saine moralité à la surface de la Terre, mais en exhibant des faits surnaturels devant lesquels la crédulité populaire ne pouvait que se prosterner bien bas. Ainsi, en Chine, au début du 18e siècle, plusieurs apparitions de croix dans le ciel viendront opportunément consolider le travail des missionnaires dans leur manipulation des populations locales. Le colonialisme religieux se nourrit autant du recours à l'irrationnel que du glaive que les colons ont, à l'image de Jésus (Matthieu 10, 34), apporté.

La recette est immuable : en phase de conquête, ou de reconquête, le miracle est l'outil qui comble l'incapacité du catholicisme à se montrer sous le meilleur jour, celui d'une religion dispensatrice de moult bienfaits pour l'individu. A défaut de s'ébahir devant la bonté du catholicisme, le chinois, l'indien, l'africain s'agenouillera face aux arnaques de l'irrationnel que les superstitions catholiques ont toujours produites en grand nombre. En Chine, au 18e siècle, les croix blanches dans le ciel étaient de mode comme le relate les "Lettres édifiantes et curieuses, écrites des missions étrangères par quelques missionaires de la Compagnie de Jésus" publiées en 1780-1783 à Paris (notice de l'ouvrage conservé à la Bibliothèque Nationale de France).

Description des hallucinations catholiques présentées dans l'ouvrage des jésuites :

Date Durée Lieu Nature de l'hallucination Nombre de témoins Image (site de la BNF)
20 août 1718 2 h Tsinan Traînée de feu, étoiles, bruit, croix, nuée blanche 10000 Image
8 septembre 1718
jour de la Nativité de Notre Dame
2 h Tsinan Croix d'une blancheur éblouissante, environnée d'une nuée blanche, en mouvement tous les habitants de la ville Image
31 décembre 1719
jour où s'est tenue une assemblée de chrétiens
un peu plus de 15 min Kin Kia Kiao Croix blanche et lumineuse environnée d'une nuée, apparue au-dessus de l'église 11 Image
23 juin 1722
veille de la nativité de Saint Jean Baptiste
30 min Capitale du Tche Kiang Grande croix blanche et lumineuse "bien des gens répandus dans tous les quartiers de la ville" Image


Les phénomènes observés frappent par leur similarité (croix blanche et lumineuse environnée de nuages) et surviennent presque toujours à des dates déjà chargées de sens dans le calendrier catholique (jour de la Nativité de Notre Dame, le dernier jour de l'année, veille de la nativité de Saint Jean Baptiste). Difficile de faire plus explicite, et grossier, pour amener la population à se soumettre à l'ordre jésuite.

La technique avait en fait déjà été pratiquée de nombreuses fois dont, en particulier, à Bayonne en 1451 : une croix blanche était apparue dans le ciel, surmontée d'une couronne, s'était transformée en fleurs de lys et la guerre qui opposait Français et Anglais avait alors vu la défaite de ces derniers.

Pratiques obsolètes que tout cela ? L'Eglise aurait-elle abandonné ces superstitions ridicules pour se concentrer (concentrer c'est aussi perdre en volume...) sur la "quête de sens" ? Rien de tout cela. Au 19e siècle, la France, coupable des errements révolutionnaires de 1789-1795, reçoit des signes. La croix est passée de mode et c'est Marie qui daigne paraître. Mais ses prestations sont sélectives : ce sont surtout des fillettes sans éducation, stupides, qui ont l'honneur de recevoir sa visite. C'est Bernadette Soubirous à Lourdes (1858), Mélanie Calvat à La Salette (1846) et la religieuse Catherine Labouré à la rue du Bac à Paris (1830). Au début du 20e siècle ce sera Fatima au Portugal, reposant sur les "témoignages" (forgés par l'Eglise) de Lucia dos Santos. Quelques années après, en 1928, une plaque est apposée dans la cathédrale de Bayonne en commémoration de l'hallucination de 1451, confirmation de l'attachement immuable et éternel aux superstitions chrétiennes les plus imbéciles. Enfin, Jean-Paul II comme Benoît XVI manifestent la même exploitation, sincère, de la crédulité humaine : Jean Paul II fait le déplacement à Fatima et à Lourdes et Joseph Ratzinger assène dans son livre La mort et l'au-delà : court traité d'espérance chrétienne que la résurrection des morts, l'immortalité de l'âme, le paradis, l'enfer, le purgatoire, ne sont pas de piteux résidus d'un folklore catholique poussiéreux mais des réalités dont on ne saurait douter. Des croix fumeuses dans le ciel chinois aux élucubrations de Benoît XVI, point de catholicisme sans des insultes répétées à l'intelligence.


4 juillet 2006


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